La mairie et JCDecaux avaient complètement sous-estimé ce phénomène, qui a battu des records à Paris. Grandes et petites histoires d’un vélo souffre-douleur.
Lorsque le canal Saint-Martin a été mis à sec sur deux kilomètres en 2016, on y a retrouvé des baignoires, des machines à laver, des skis, un révolver, un scooter et… une petite centaine de Vélib‘. Depuis son installation en 2007, le parc de 20 000 vélos en libre-service de la Ville de Paris fait l’objet d’un vandalisme qui frise l’acharnement. JCDecaux, qui a déployé le même système dans 80 villes et 13 pays, estime que « toutes choses étant égales par ailleurs, il y a vingt fois plus de vols et vandalisme sur les vélos à Paris qu’à Dublin ».
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Le samedi soir, la police interpelle à tour de bras des individus éméchés sur des vélos qu’ils ont volés en station en cassant l’attache d’un coup sec. « On a même vu un type se faire arrêter en train de voler un Vélib’ alors qu’il avait sa carte d’abonnement dans la poche ! » explique Anthonin Darbon, directeur de l’exploitation. La blague qui ne fait plus rire personne dans les ateliers de réparation, c’est celle du Vélib’ « redécoré » à la bombe de peinture par des artistes inspirés. Aucune pièce n’est alors récupérable et le vélo est bon pour le ferrailleur.
Le coût réel du vandalisme sur ces infrastructures est un montant gardé secret. On sait simplement qu’il se chiffre en dizaines d’emplois et milliers d’heures de travail. Lueur d’espoir à ce sombre tableau, 90 % des vélos considérés comme volés sont retrouvés. Ils sont généralement abandonnés dans des rues sombres ou soigneusement attachés avec un cadenas personnel. Mairie et exploitant ont essayé d’endiguer ce phénomène totalement sous-estimé lors de la création de Vélib. Les campagnes d’affichage ont rencontré des résultats mitigés. La « mesure de réparation pénale » fut en revanche plus efficace. Elle consiste à proposer aux jeunes pincés en flagrant délit de venir réparer les vélos pendant quelques jours.
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Des nébuleuses complotistes ont fait du vandalisme un enjeu culturel et relaient des intox qui prétendent que les vélos volés alimentent des filières africaines ou des mafias de l’Est. On a bien retrouvé un ou deux Vélib’ à Bamako, mais ce furent des cas rarissimes. En revanche, il arrive que des miracles se produisent la nuit. Dernièrement, un Vélib’ porté disparu a réapparu dans une station, après six ans d’absence…