Malgré les mesures prises pour améliorer la sécurité routière camerounaise, la situation semble empirer. Où réside la source du mal et que faut-il faire pour y remédier ?
Selon la Gendarmerie Nationale, environ 300 Camerounais meurent chaque mois sur les routes. Pour y faire face, le gouvernement multiplie la prise des mesures conservatoires comme la fermeture des agences de voyage impliquées.
Par exemple, en octobre 2017, le ministre des Transports a suspendu Général Express et menacé de fermer 32 autres agences. Pour la énième fois, il essaie de résoudre le problème d’insécurité routière par la police administrative, mais toujours en mal. La situation semble empirer. Où réside la source du mal et que faut-il faire pour y remédier ?
La lourdeur administrative
D’abord, il persiste un problème structurel de centralisation et de cloisonnement de la sécurité routière. Par exemple, pour boucher un nid de poule susceptible de causer des accidents dans un périmètre urbain, une dizaine d’administrations se rejettent les responsabilités : mairie, communauté urbaine, ministère du Développement urbain, ministère des Travaux publics, ministère de l’Économie en charge du budget d’investissement, ministère des Finances, ministère des Transports en charge du fonds routier, ministère de l’Administration territoriale en charge des comités de pilotage, ministère des Marchés publics, etc.
Ceci engendre le laxisme et pose un problème de coordination, de réactivité, d’efficience et d’efficacité. Cette lourdeur administrative repousse les délais d’exécution et crée l’inertie.
Plus de réactivité grâce à la sous-traitance
Mieux, il faut avoir recours aux contrats de prestation pour exécuter au mieux les tâches d’entretien routier. L’État ne saurait être efficacement maître d’ouvrage et maître d’œuvre.
Le fait d’être à la fois ordonnateur, exécuteur et contrôleur montre ses limites. Aussi est-il temps de systématiser le remorquage sur l’axe routier ou de sous-traiter la libération de la chaussée afin de dégager régulièrement la voie et de limiter les collisions frontales fortement récurrentes dans les causes d’accidents.
De plus, l’État devrait, à travers des incitations fiscales, permettre aux prestataires d’investir massivement dans le développement technologique pour faciliter le partage d’information, limiter la vitesse et pérenniser les marquages au sol et autres signalisations.
En l’état, aucune application ne permet par exemple aux passagers de signaler un excès de vitesse. Ce faisant, ces derniers sont victimes des chauffeurs qui les abusent. Pis, ils ne sont presque jamais indemnisés en cas d’accident. Il faudrait dans la rédaction du Code des transports favoriser l’expression des libertés individuelles.
L’«économie des accidents» !
Par ailleurs, il se pose un problème d’analyse systémique de la cartographie des accidents. Par exemple, selon les statistiques de la gendarmerie au premier semestre 2017, la seule région du Nord a enregistré 95 accidents corporels, 44 accidents matériels et 41 accidents mortels avec pour principale cause le comportement humain.
En effet, il s’est développé un comportement rentier qui sévit dans tout le pays. On note l’existence d’une «économie des accidents». Tout se marchande et la corruption est érigée en règle. Le citoyen a intégré que «chaque chèvre broute là où elle est attachée». Pour certains riverains, cela signifie qu’ils doivent «manger sur la terre de leurs ancêtres».
Par conséquent, en plus du blocage récurrent des chantiers de développement, ils menacent d’invoquer les ancêtres pour «saboter la route» s’ils ne «mangent» pas. Des cas légendaires ont été observés à Bachenga, et le 7 septembre dernier à Bwambé sur la route du nouveau Port autonome de Kribi, objet des convoitises depuis 2011. Cette cause endogène malheureusement négligée constitue l’une des principales causes des accidents si l’on inclut le cas des camions de marchandises régulièrement pillés.
Pour les fonctionnaires véreux, plus il y a problème, plus ils vont en mission et plus ils ont des décaissements de fonds en procédure d’urgence. En effet, la mode consiste à ne pas vivre de son salaire mais, des «à-côtés [rente]». Par conséquent, l’on préfère de part et d’autre ignorer les règles existantes afin de favoriser le «mangement».
Dans ce contexte, il est insolite de renforcer la police administrative dans la mesure où cela laisse le soin au corrompu de surveiller le corrupteur. Aussi, cela contribue à alourdir le système : trop de lois tuent la loi. Il convient plutôt de lutter contre les lois parallèles en confondant à l’interne ces acteurs véreux qui entretiennent l’incivisme dans le but d’en tirer une rente et en délivrant par exemple une quittance unique qui dispenserait son titulaire des tracasseries routières.
Pour les transporteurs et autres routiers (hommes en tenue), il faut «se sucrer» en route. Par conséquent, on lutte autour des «frais de route» et passe outre les normes, même des droits humains. Et pour capitaliser la rente versée en route, les transporteurs s’arrangent à faire plusieurs tours de voyage.
Cela explique, en partie, les excès de vitesse, les surcharges et autres actes d’incivisme qui provoquent des accidents.
À ce sujet, le Code des transports devrait mieux définir le statut de transporteur et intégrer l’amélioration de leurs conditions de travail notamment celles relatives au traitement salarial. Il faudrait engager la responsabilité individuelle du conducteur en prévoyant peut-être un système de retrait de points sur son permis en cas de multiplication des infractions.
Mise à niveau des infrastructures routières
Enfin, une grande réforme de l’infrastructure routière s’impose. Selon le Federal Highway Research Institute (2014), les autoroutes sont les voies les plus sûres par rapport à la distance parcourue.
Or, le Cameroun ne dispose en 2017 d’aucune autoroute interurbaine et moins de 8% de ses routes étaient bitumées en 2013 selon le ministère des Travaux publics. Pis, la densité du trafic est importante (environ 300 véhicules par jour et par tronçon) et le taux de surcharge élevé (16% en 2013), ce qui accélère la dégradation de la chaussée construite pour accueillir des véhicules d’une limite maximale de charges de 50 tonnes.
Comment financer les infrastructures en dehors des emprunts et autres levées de fonds ? La promotion des partenariats public-privé, avec un cadre juridique effectif et garantissant la transparence et l’égalité des chances, est la meilleure solution pour répondre au défi de financement et de gouvernance des infrastructures.