Le lieu de l’infraction doit être précis !
En matière de contraventions au code de la route, la loi donne une grande force aux procès-verbaux des forces de l’ordre. Ils font foi jusqu’à preuve du contraire (article 537 du code de procédure pénale). Mais la jurisprudence impose en contrepartie que ces procès-verbaux soient précis. La précision du lieu est indispensable à la validité du procès-verbal.
Et régulièrement des procédures sont annulées faute de précision !
Lorsque vous recevez un avis de contravention, si vous doutez de la réalité de l’infraction ou si votre solde de points est insuffisant, contestez pour avoir accès au procès-verbal d’infraction et examinez-le attentivement !
Le diable se cache souvent dans les détails… et les forces de l’ordre sont parfois un peu trop pressées de rédiger leur pv !
Infractions de vitesse
Les tribunaux vérifient la mention du lieu de l’infraction et sanctionnent son absence.
Par exemple dans un arrêt de 2007, la Cour de cassation rejette le pourvoi du ministère public contre une décision de relaxe énonçant qu’en l’absence de mention précise sur le procès-verbal du lieu de l’infraction, un doute subsiste sur la preuve de l’excès de vitesse ; qu’en cet état, et dès lors qu’en l’espèce, les mentions du procès-verbal, qui ne précisent pas le lieu exact des faits, ne font pas foi jusqu’à preuve contraire de la limitation de vitesse, la juridiction de proximité a justifié sa décision (4 avril 2007, n° 06-86385).
Le PV doit mentionner un repère géographique (point kilométrique PK, des coordonnées GPS, un numéro de rue, …)
C’est une mention essentielle car « une telle inexactitude apparaît de nature à porter atteinte aux droits de la défense, dès lors qu’elle ne permet pas de vérifier les conditions d’emploi du cinémomètre et la réglementation applicable au lieu de l’infraction » (CA Paris, 27 novembre 2003, n° 03/02278 ; CA Paris, 17 février 2012, n° 11/10).
La précision du lieu de l’infraction ne va pas jusqu’au lieu où se situent les forces de l’ordre pour constater l’infraction. La Cour de cassation juge en effet qu’aucun texte de loi n’exige cette mention (Crim., 31 mai 2007, n° 06-88095) et que le bon fonctionnement de l’appareil est établi par son homologation et sa vérification annuelle.
Infractions de stationnement
La précision du lieu de l’infraction est plus ou moins contraignante selon la nature de l’infraction.
Pour un stationnement gênant ou très gênant, le PV doit viser le lieu de l’infraction avec un numéro de rue pour pouvoir s’assurer de l’existence de l’interdiction (exemples : emplacement transport de fonds, livraison, etc.).
La Cour de cassation rappelle souvent la nécessité d’un arrêté spécialement édicté réglementant le stationnement à l’emplacement où l’infraction, qu’il appartient au juge de rechercher (Crim., 18 février 2015, n° 14-84168). Idem pour un stationnement dangereux.
De façon plus générale, la Cour de cassation exige que les forces de l’ordre qui verbalisent précisent les circonstances concrètes de nature à permettre à la juridiction de jugement de se faire une exacte représentation de la manière dont l’infraction a pu être commise et relevée (Crim., 16 septembre 2014 et 10 juin 2015, n° 13-84613 et n° 14-86587).
Si ces circonstances ne sont pas mentionnées ou insuffisantes, le juge doit relaxer le prévenu. A l’inverse, si le stationnement est réglementé uniformément sur toute la rue, la précision du lieu de l’infraction sera moins essentielle par exemple pour un stationnement gênant.
Autres infractions (quelques exemples)
- Pour un feu rouge ou un stop, le PV doit mentionner le lieu précis de l’infraction (numéro de feu, carrefour, angle des rues, …).
Par exemple le juge relaxe un prévenu en constatant le défaut de lieu exact de la commission de l’infraction (stop) alors qu’une telle signalisation est nécessairement implantée à une intersection laquelle n’est pas indiquée (CA Paris, 28 novembre 2014, n° 14/04761). Idem pour un sens interdit (CA Paris, 13 septembre 2013, n° 13/04445).
Si le lieu de l’infraction figurant sur le PV est erroné, la relaxe doit être prononcée. Ainsi, dans une affaire jugée par la Cour d’appel de Paris il a été démontré qu’il n’existait pas de feu au lieu mentionné sur le procès-verbal (CA Paris, 22 février 2013, n° 12/06057).
- Pour un non-respect des distances de sécurité les juges exigent que les PV précisent les circonstances concrètes de l’infraction (voir en ce sens 16 septembre 2014; Crim. 27 janvier 2016).
Dans les faits cela impose donc aux forces de l’ordre de préciser la vitesse du véhicule ainsi que la distance avec le véhicule précédent. Si la vitesse n’est pas un élément constitutif de l’infraction, elle est quand même un élément de preuve essentiel. Si le procès-verbal ne mentionne aucun élément sur la vitesse des véhicules, il est compliqué de définir la distance minimale entre eux et donc de caractériser l’infraction !
- Pour un téléphone au volant, l’exigence de précision du lieu est moins grande car l’infraction est indépendante du lieu mais pour autant la jurisprudence exige une certaine précision. Les forces de l’ordre ne peuvent pas se contenter par exemple d’indiquer que l’infraction a été relevée sur le territoire national sans autre précision…
- Pour des vitres teintées, le PV qui ne précise pas concrètement quelles vitres étaient concernées ni en quoi leur transparence était insuffisante au regard des exigences de l’art. R. 316-3 C. route, ne comporte pas de constatations au sens de l’art. 537 (Crim. 19 juin 2018, no 17-85.046).
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Ces conseils sont dispensés à titre gracieux par Me Etienne Lejeune, avocat en droit routier au Havre.