Le déploiement des radars dits embarqués, la gué-guerre absurde qui se développe à la périphérie de nos villes entre voitures civiles et voitures de gendarmes banalisées, révèlent un phénomène que la presse a volontiers négligé: les gens, surtout en période de manifestations et d’agitation sociale, s’attaquent désormais physiquement aux radars fixes parce qu’ils y voient un symbole de l’oppression de l’état.
Et quand on a passé plusieurs années à l’étranger, ce qui est mon cas, on ne peut qu’être sensible au fait que l’Etat français soit sorti depuis longtemps de son rôle d’expression de la volonté générale. Contrairement à ce qui se passe en Espagne ou en Italie, la principale mission de la puissance publique en matière de sécurité routière est, en France, de chercher à coincer l’automobiliste.
On dirait que la loi n’est plus faite par et pour le peuple mais contre lui. L’objet de la réglementation semble désormais de le maintenir dans un état de sujétion de plus en plus prononcé, en multipliant les règles qu’il ignore, les panneaux qu’il ne voit pas, les ralentissements inutiles, les incohérences sur l’autoroute (90/110/130, en certains endroits la conduite à la vitesse requise devient un véritable jeu d’adresse) .
Ne parlons même pas des procédures de verbalisation automatique qui fonctionnent par intimidation sur le principe «si vous contestez, cela va vous coûter cher». Le résultat de tout cela , comparé à ce qui se passe chez nos voisins, est une véritable infantilisation de la population française, avec l’inévitable reportage de 13 heures où l’on voit le ministre à genoux regardant à la jumelle au pied d’une bretelle d’autoroute, le sempiternel conducteur navré qui se fait arrêter au péage et qui promet de «faire attention la prochaine fois», etc.
Ce qu’on ne voit pas, derrière cette comédie sociale un peu niaise qu’on nous inflige ce sont les pauvres gens qui vivent sur une moitié de SMIC mais qui reçoivent 130 euros de contravention pour avoir enfreint une limitation tellement abusive ( 50 à l’heure au milieu des champs, très fréquent en zone péri-urbaine) qu’elle fait rire les employés de la Préfecture.