Les constructeurs mettent en avant les plus faibles émissions de CO2 des motorisations diesel face à leurs homologues essence. Selon l’association Transport & Environnement, c’est faux, si on considère tout le cycle de vie de la voiture. Une affirmation à prendre avec des pincettes.
C’est avec un simple chiffre que l’association Transports & Environnement entend démontrer que le diesel émet plus de CO2 que l’essence. En prenant en compte sa production et celle du carburant, une voiture diesel émet en moyenne 42,65 tonnes de CO2 au cours de sa vie, contre 39 tonnes pour un modèle essence. C’est une surprise, étant donné que les constructeurs mettent précisément en avant l’argument des faibles émissions de CO2 pour conserver des modèles dieselau sein de leur catalogue.
Tout d’abord, Il faut comparer ce qui est comparable. Dans son rapport, Transports & Environnement a volontairement désavantagé la voiture diesel. Plutôt que de comparer un modèle diesel au même modèle doté d’un moteur essence, l’étude préfère porter sur la moyenne des voitures Diesel et la moyenne des voitures essence. Voilà qui ne manque pas de biaiser les résultats : les moteurs diesel sont en effet plus répandus sur les modèles familiaux, en particulier les SUV. Certains modèles, à l’image par exemple du Hyundai Santa Fe, ne sont même pas proposés en essence. A contrario, de nombreuses citadines légères (Volkswagen up!, Renault Twingo…) ne sont disponibles qu’en essence. Voilà qui a tendance à déplacer le curseur en faveur du moteur essence, plus souvent associé à une caisse légère, ce qui a tendance à faire diminuer sa consommation.
L’étude juge que les voitures diesel polluent plus car leurs propriétaires roulent plus !
Autre point qui prête à discussion : la différence de kilométrage. Partant du constat que les voitures diesel roulent plus, Transport & Environnement a tout simplement choisi d’allonger le kilométrage parcouru par ce type de modèle, sans pondération. L’association estime de plus que le prix plus faible du carburant incite les propriétaires à parcourir plus de kilomètres. Cela correspond certes à une réalité. Mais ici, le but annoncé est de déterminer laquelle parmi deux technologies est la plus polluante. Un bilan rigoureux ne devrait donc pas prendre en compte l’aléa qu’est l’usage du modèle. Transports & Environnement met en avant un facteur de 4 % à l’avantage de l’essence. Voilà donc qui biaise de nouveau le résultat de l’étude, sur le terrain même des émissions de CO2 à l’échappement.
Par ailleurs, Transports & Environnement met en avant la plus grande fiabilité des moteurs diesel– qui reste à démontrer sur les voitures modernes – pour justifier le kilométrage plus élevé associé à ces derniers : 182.000 km contre 175.000 km. Si on peut mettre en doute le bien-fondé de l’argument, il est surtout très facile à retourner : si une voiture est moins fiable, il faudra en fabriquer une nouvelle plus rapidement, ce qui est facteur de pollution ! Certes, celle-ci est plus polluante sur les moteurs diesel, dotés d’aciers renforcés.
En ce qui concerne le bilan du puits à la roue, plus intéressant, le raffinage plus prodigue en CO2 du gasoil est pointé du doigt : environ 15,5 g/MJ contre 14 g/MJ pour l’essence. Le gasoil étant plus énergétique, l’écart se creuse lorsque l’on considère la production d’un litre de carburant. Les émissions passent respectivement à 589 g/L et 497 g/L. C’est donc bel et bien ce point qui est le plus important : le bilan CO2 du gasoil est terni par sa production, certes en partie compensée par le meilleur rendement des moteurs diesel. Il est dommage que dans sa volonté de taper sur le diesel, Transports & Environnement ait sciemment introduit dans son calcul les approximations citées ci-dessus. Cela émousse nettement la pertinence de son analyse. Au point qu’il est au final difficile d’affirmer qui du diesel ou de l’essence émet au final plus de CO2 sur tout le cycle de vie d’une voiture… Il ne faut par ailleurs pas oublier que le gasoil et l’essence sont deux produits différents issus du raffinage du pétrole : l’un ne va pas sans l’autre et il est difficile de modifier la proportion de fabrication de ces deux produits.
L’hybride et l’électrique mieux que le diesel ? A vérifier…
Selon Transports & Environnement, les constructeurs mettent trop volontiers en avant le faible différentiel de CO2 entre versions essence et diesel (la consommation étant elle à l’avantage du diesel, un litre de gasoil émettant plus de CO2 du fait de sa plus grande densité énergétique), en ce qui concerne les émissions à l’échappement. Et l’association estime que le diesel est inutile pour atteindre les exigences européennes. Il n’empêc he qu’aujourd’hui, une majorité de voitures sous la barre des 95 g de CO2/km, c’est-à-dire correspondant au seuil fixé par l’Union Européenne à l’horizon 2021, sont des diesels. Tant que les règlements seront fixés sur la base des émissions à l’échappement, on voit mal les constructeurs abandonner une technologie qu’ils maîtrisent.
Reste que Transport & Environnement préfèrerait voir mis en avant les modèles hybrides, « au tarif similaire mais émettant 20 à 25 % de moins de CO2 ». Dommage, l’association n’a pas pris la peine de calculer son bilan environnemental. Et selon un rapport de l’ADEME cité par nos confrères de Libération, le bilan n’est pas si rose pour les modèles hybrides et électriques. « Sur l’ensemble de son cycle de vie, la consommation énergétique d’un véhicule électrique est globalement proche de celle d’un véhicule diesel ». En cause : une production énergivore des batteries, qui imposent des températures de fabrication allant jusqu’à 400°C. On comprend mieux pourquoi Carlos Tavares craint un nouveau « Dieselgate » mettant en cause la voiture électrique…