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Fin des voitures essence à Paris en 2030 : pourquoi ça risque d’être compliqué

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L’objectif que vient de se fixer Anne Hidalgo pose de nombreuses questions.

Engagée dans une politique de réduction du trafic automobile, la Ville de Paris vient de se fixer un nouvel objectif : après la fin des voitures diesel, promise pour 2024, Anne Hidalgo souhaite également qu’il n’y ait plus de voitures à essence à l’horizon 2030 dans la capitale. Une ambition qui, précise l’équipe municipale, s’inscrit dans le cadre du plan climat 2020-2050, qui doit être débattu au Conseil de Paris en novembre, et qui doit permettre à Paris de devenir neutre en carbone.

Cet objectif, en apparence ambitieux, est-il crédible ? “Nous sommes en capacité de le faire”, clame la maire de Paris, qui précise néanmoins qu’il s’agit d’un objectif, et non d’une promesse d’interdiction. “On donne le temps d’anticiper sans être dans la contrainte”, ajoute Christophe Najdovski, son adjoint chargé de toutes les questions relatives aux transports, à la voirie, aux déplacements et à l’espace public.

Des déplacements en voiture en baisse, mais…

Pour parvenir à cet objectif de zéro voiture thermique, Paris ne part pas de rien. Depuis 1991, la circulation automobile a diminué dans la capitale de 45%. Résultat : seulement 10% des déplacements parisiens s’effectuent aujourd’hui en voiture, ce qui place cette dernière loin derrière la marche à pied (55%), les transports en commun (30%), mais devant le vélo (5%). Le vélo qui, à titre de comparaison, est en pleine expansion sur la même période. “Les déplacements à vélo ont eux été multipliés par 10”, rappelle l’économiste Frédéric Héran, qui prédit qu’il y aura davantage de vélos que de voitures dans l’intra-muros parisien en 2030.

Poursuivre la politique de réduction du trafic automobile, en diminuant notamment la place dévolue aux voitures dans Paris par la création d’aménagements cyclables, est un des leviers que la mairie de Paris va continuer d’actionner pour tenter d’atteindre son objectif. C’est d’ailleurs l’une des promesses d’Anne Hidalgo, qui entend doubler d’ici la fin de son mandat, en 2020, le kilométrage de pistes cyclables à Paris.

Mais ce seul levier ne suffira évidemment pas. Car si le trafic automobile est en nette diminution depuis 25 ans, il n’est pas résiduel pour autant : chaque jour, un demi-million de déplacements se font encore en voiture dans Paris…

“Il s’agit de l’interdiction des moteurs thermiques, pas des voitures”, prend bien soin de rappeler Christophe Najdovski depuis l’annonce de cette mesure, en brandissant le développement de voitures électriques comme une alternative possible. Sauf qu’en la matière, Paris part de nettement plus loin. Voitures électriques et hybrides, qui ne représentent qu’un peu plus de 2% des véhicules immatriculés à Paris, occupent une place encore très marginale dans le trafic automobile parisien.

Les constructeurs planchent

Est-il possible de renouveler le parc automobile parisien en 12 ans, et de passer au tout-électrique ? Les constructeurs automobiles ne sont certes pas tous prêts, mais l’offre ne devrait pas poser en soi de problème. Plutôt en pointe, Renault propose déjà des véhicules électriques et devrait lancer huit nouveaux modèles d’ici 2022. “Et tous les constructeurs réfléchissent sur ce sujet”, rassure Mathieu Flonneau, spécialiste d’histoire urbaine et de l’histoire des mobilités.

Mais d’autres questions se posent, à commencer par le prix de ces véhicules, qui sont aujourd’hui plus chers que les voitures thermiques pour un modèle équivalent. Pour une Renault Zoé par exemple, une citadine, il faut débourser au minimum 12.000 euros. “Va-t-on, dans les prochaines années, être capables de faire baisser les prix et de démocratiser l’accès à ces véhicules ? Rien n’est moins sûr”, nuance l’économiste Yves Crozet. “Le développement de l’électrique dépend de choix industriels non français mais mondiaux”, rappelle ce spécialiste des transports.

“La mairie de Paris n’a aucun pouvoir contraignant en la matière. Ce ne sont pas les villes mais les Etats qui impulsent de telles politiques.”

Autre obstacle à surmonter : les infrastructures. Pour développer l’usage de l’électrique, la mairie de Paris va nécessairement devoir multiplier les bornes de rechargement dans les rues. Pour un coût loin d’être anodin tant ce déploiement devra être massif pour être efficace. A l’échelle de la France, le coût total d’un tel investissement s’élèverait entre 25 et 35 milliards d’euros d’ici 2050, selon les évaluations d’un récent rapport de France Stratégie. Qui payera la facture ?

L’accroissement du nombre de véhicules électriques dans une ville de la taille de Paris pourrait également poser des problèmes pour le réseau électrique, en particulier lors des heures pointes où la majorité des automobilistes rechargeront leur batterie. “Le réseau électrique parisien risque le black-out”, s’inquiète déjà l’ingénieur et économiste Benjamin Dessus, interrogé par France info. “Des investissements très importants sont à faire sur le réseau électrique, mais cela n’a pas été anticipé, visiblement.”

Coût, écologie… Les limites du tout-électrique

Au-delà de la question de la faisabilité de l’objectif lancé par la mairie de Paris, se posent aussi la question du coût et de la pertinence d’une telle politique, souligne Mathieu Flonneau :

“Les coûts de transition vers le tout-électrique ne sont jamais mentionnés, alors qu’ils sont potentiellement importants. Le passage aux véhicules électriques va nécessairement passer par des mécanismes d’incitation comme des subventions et des aides à l’achat, coûteux pour la puissance publique. Quant au prix de l’électricité, je ne vois pas comment il ne pourrait pas augmenter fortement.”

L’historien, qui a co-dirigé l’ouvrage “Les Transports de la démocratie. Approche historique des enjeux politiques de mobilité”, pointe également les limites du discours écologique tenu par la municipalité :

“Vouloir une ville moins polluée est louable. Mais l’électrique n’est pas une énergie ‘propre’ non plus, puisqu’elle émane du nucléaire. Il y a donc derrière cette sélectivité et cette décision prise en apesanteur l’idée qu’il y aurait en quelque sorte une pollution acceptable, et une autre qui ne l’est pas.”

Le choix du tout-électrique à Paris intervient par ailleurs alors que le gouvernement s’est récemment dit favorable, par l’intermédiaire de Nicolas Hulot, à une réduction du nucléaire. En juillet dernier, le ministre a évoqué la fermeture possible de jusqu’à 17 réacteurs, pour respecter la loi sur la transition énergétique qui vise à ramener à 50% la part de l’atome dans la production d’électricité à l’horizon 2025.

Un risque de déconnexion entre Paris et sa périphérie

Si l’objectif fixé par la mairie de Paris est en apparence ambitieux, qu’il va nécessiter d’indéniables investissements, et qu’il est symboliquement fort, sa portée reste pourtant à relativiser, nuance Yves Crozet :

“Paris continue de faire le choix d’une régulation par la congestion, dans une logique d’écologie punitive. C’est une politique qui, certes, diminue la circulation automobile, et qui préserve donc l’hyper-centre de la ville. Mais cette politique patrimoniale ne résout pas sur le fond les problèmes de mobilité.”

“Davantage que la question de l’électrique ou du non électrique, l’un des enjeux est la recollectivisation des voitures”, illustre l’économiste. “Va-t-on un jour réussir à remettre plusieurs personnes dans une seule voiture ? Doit-on prendre des mesures contraignantes pour y parvenir ? La mairie de Paris est plus discrète sur un tel sujet”.

Plus largement, l’économiste pointe les risques d’un renforcement de la fracture entre la capitale et sa périphérie, Paris prenant la forme d’un “îlot” de plus en plus préservé des nuisances automobiles, et développant sa propre politique de transport sans se soucier des conséquences sur ce qui l’entoure.

“De par le découpage administratif et fonctionnel de l’Île-de-France, il n’y a pas de gouvernance globale. Résultat : la maire de Paris, qui n’a pas de compétences au-delà de l’intra-muros, construit sa propre politique dans son coin, dans le seul intérêt des Parisiens. Or, l’intra-muros n’est pas la bonne échelle pour penser efficacement les mobilités.”

Un constat partagé par Mathieu Flonneau, qui plaide lui aussi pour une politique de transport élaborée à une toute autre échelle que celle de la capitale. “Aujourd’hui, Paris prend des décisions pour son centre-ville en prenant pour exemple des villes comme Copenhague, Oslo ou Stockholm. Mais Paris et sa région, c’est une toute autre échelle. Les enjeux sont donc différents”, explique l’historien.

“Paris continue de penser sa politique de mobilité sans sa banlieue. Cela n’a pas de sens et cela renforce le risque d’une déconnexion croissante entre l’intra-muros et à sa périphérie.”

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