Avec le boitier électronique dont un comité de l’Union européenne en propose d’équiper toutes les voitures neuves, il sera possible à l’État d’exercer subtilement son pouvoir, ainsi que de contrôler les conducteurs et notamment l’excès de vitesse. […]
Les voitures à radars embarqués adopteront le principe de l’architecture des prisons, pensé par Jeremy Bentham au XVIIe. Le dispositif sera alors comme une tour centrale abritant un gardien qui observe les prisonniers dans leurs cellules. Avec ce boitier de contrôle, le conducteur aura la sensation d’être surveillé comme un détenu, car le dispositif sera capable de limiter intelligemment la vitesse de son véhicule. La conscience agira en retour sur les comportements du corps. […]
Selon Foucault, il existe deux formes de société définies par l’organisation du pouvoir : les sociétés de souveraineté et les sociétés disciplinaires. La première est faite d’interdits inscrits dans la loi tandis que la seconde est caractérisée par un pouvoir positif délaissant les interdictions afin de privilégier les incitations.
Une troisième forme est ajoutée par Deleuze (1990) : les sociétés de contrôle. Elles fonctionnent par la nouvelle technologie : « machines de troisième espèce, machines informatiques et ordinateurs ».
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Un des arguments avancés par les pouvoirs publics réside dans l’économie des forces de l’ordre (400 équivalents temps plein). Nous retrouvons là encore, les analyses d’Olivier Razac, à la suite de Foucault et Deleuze. Dans son Histoire politique du barbelé (2000), Razac montre ainsi que le contrôle s’effectue sur une base économique.
« Les meilleurs dispositifs de pouvoir sont ceux qui dépensent la plus petite quantité d’énergie possible (matériellement et politiquement) pour produire le plus d’effets de contrôle ou de domination possibles. »
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Les radars embarqués présentent donc un assemblage de différents moyens utilisés par la société de contrôle et soumis à l’intelligence des sociétés disciplinaires. Mais ne vous inquiétez pas, Gilles Deleuze avait tout prévu : « Il n’y a pas lieu de craindre ou d’espérer, mais de chercher de nouvelles armes »