Après une période de deux ans, l’expérimentation de la limitation de vitesse à 80 km/h au lieu de 90 km/h sur trois itinéraires est désormais censée être achevée. Pourtant, la limitation à 80 km/h perdure. L’absence totale de communication autour des résultats du test laisse sceptique sur l’efficacité de la mesure, et interroge sur les suites que le gouvernement prévoit d’y apporter.
Une source du ministère de l’Intérieur, contactée par la Dépêche du Midi, explique que “le bilan de l’expérimentation est disparate“. Différent selon les tronçons, il n’est pas possible d’en tirer une conclusion. (ndlr : lorsqu’une expérimentation donne des résultats contradictoires/incohérents, il n’est pas commun de conclure que l’expérimentation a réussi, mais plutôt de soit la prolonger dans le temps ou dans d’autres conditions, soit de l’arrêter)
La limitation à 80 km/h sur les trois tronçons de routes dont la RN 151 dans l’Yonne et la Nièvre a débuté le 1er juillet 2015. A cette époque, l’Etat avait pris la décision de maintenir le test pendant deux ans. Bien que le délai soit dépassé depuis le mois de juillet 2017, rien ne permet toujours de savoir si le test est maintenu pour l’avenir. Le CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), chargé d’étudier l’impact sur la sécurité routière de la limitation de vitesse à 80 km/h sur la RN151, la RN7 et la RN57 n’a, en effet, toujours pas donné suite à l’expérimentation.
Un député de la Nièvre, Patrice Perrot, a posé une question écrite au gouvernement sur l’expérimentation du 80 km/h mais lui non plus n’a pas eu de réponse.
“Personne n’a de renseignement, c’est un secret d’Etat” explique Julie Hamez à l’association 40 millions d’automobilistes. Le sujet n’a jamais été abordé au conseil national de sécurité routière depuis la rentrée. “Est-ce un silence coupable ?” se demande Pierre-Olivier Cavey, directeur des études et des campagnes à la Ligue de défense des conducteurs. Si on ne donne pas les résultats, ça veut peut-être dire que l’expérimentation n’a pas porté les fruits escomptés”.
Aucune décision n’a donc été prise quant à la suite de cette expérimentation. Malgré tout, les panneaux de limitation de vitesse à 80 km/h demeurent sur les bords des tronçons concernés.
Outre le flou qui entoure cette expérimentation, qui laisse planer le doute sur l’efficacité d’une telle mesure, le maintien des panneaux et le silence du gouvernement laisse ainsi craindre une pérennisation de l’abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h sur la zone de soi-disant « test », avant sa généralisation progressive à l’ensemble des routes départementales et nationales.
Or, cette limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes départementales et nationales, au mieux inutile, peut même s’avérer contre-productive en matière de sécurité : en effet, cette baisse de limitation de vitesse rend certains dépassements, notamment de camions, dangereux ou impossibles, les poids lourds étant eux-mêmes limités à 80 km/h.
Autre élément : le coût des panneaux. “Changer les panneaux 90 par des panneaux 80 dans toute la France aurait un coût exhorbitant. Nos prédécesseurs au ministère n’y ont peut-être pas pensé”.
Rouler à 80 km/h sur une départementale, trois quart des français y sont opposés selon un sondage BVA.
Selon les informations du Point, et parmi les quelques pistes de travail qui restent à ce Comité interministériel de sécurité routière (CISR) qui ne fait qu’entériner les travaux réalisés en amont, le 80 km/h sur route sera adopté en 2018 et présenté comme la décision capitale. Cette limitation abaissée de 10 km/h sera circonscrite aux seules routes bilatérales, c’est-à-dire celles ne présentant pas de séparation centrale (rail ou muret) entre les deux voies. Autant dire l’essentiel du réseau hors voies rapides et autoroutes.
Toutes ces choses sont contestées fermement par d’autres spécialistes avec des arguments étayés comme ceux de l’association 40 Millions d’automobilistes qui constate qu’en Angleterre il y a moitié moins d’accidents avec une vitesse limitée à 97 km/h sur route. Les services du Premier ministre, qui ont longtemps tergiversé sur cette mesure, l’ont choisie, car ils pensent que l’opinion est déjà préparée à cette éventualité.
« C’est une mesure qui devrait passer avec les explications nécessaires, dit un proche du dossier, car, dans les faits, de nombreux endroits du réseau ne permettent pas de rouler à cette allure. ».
Corréler baisse de vitesse avec baisse d’accidents relève d’un pseudo-dogme jamais vérifié, mais pris pour argent comptant par le gouvernement selon lequel : 1 % de vitesse en moins = 4 % de morts en moins. « Si elle était exacte, assène la Ligue de défense des conducteurs, il suffirait de réduire la vitesse de 25 km/h pour qu’il n’y ait plus aucun mort sur les routes de France… La preuve du contraire : en 2012, la vitesse moyenne a augmenté en France, et pourtant, le nombre de tués sur la route a diminué de presque 8 %. C’était déjà le cas entre 1998 et 2002. » (Lire également 1% de vitesse en moins c’est 4% de morts en moins, formule de Nilsson et Elvik: mythe ou réalité?)