NDLR : l’entretien est très long mais très instructif, nous vous recommandons très vivement sa lecture. 10 minutes de lecture pour comprendre tous les enjeux de la route et de la sécurité routière. Pour les lecteurs pressés, nous avons synthétisé l’essentiel des réflexions ici.
Laurent Carnis mène des recherches en économie de la sécurité routière au sein de DEST (Dynamiques économiques et sociales des transports). Il est également l’auteur de nombreux articles en sécurité routière et sur la bureaucratie.
En quelque sorte, une réglementation bien intentionnée pouvait ne pas atteindre les objectifs qui lui étaient fixés. Il ne suffit pas de proclamer de grands discours à renfort de valeurs pour changer les choses.
En France, le coût social de l’insécurité routière repose sur des valeurs tutélaires, dont les déterminants ne sont pas clairement énoncés et sont discutés seulement par quelques experts. Mais qu’en est-il vraiment lorsque le conseil général à la stratégie et à la prospective propose de doubler le montant des valeurs tutélaires ? Comment expliquer ce soudain ajustement ? Signifie-t-il que la valeur humaine utilisée par le calcul public a été sous-estimée antérieurement, et que les décisions qui se sont appuyées sur la précédente valeur ont conduit à des décisions erronées ? Et qu’en est-il réellement pour les victimes ? Celles-ci sont ignorées.
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L’automatisation des contrôles me semble une évolution aux conséquences profondes. Ce nouveau mode de contrôle permet désormais un politique de contrôle intensive et un traitement massif du contentieux routier. L’exécution de la sanction est rapide et automatique. Il met également à distance le contrôleur et le contrevenant, et modifie donc les relations entre le régulateur et le régulé en limitant les situations de face-à-face et les espaces de négociation.
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Les travaux de Stafford et Warr ont mis en évidence que le contrevenant et le criminel apprennent au contact de l’appareil de contrôle et de sanction. (la sanction automatisée type radar automatique avec sanction décalée dans le temps, entre quelques jours et plusieurs mois, est donc purement répressive et sans impact sur le comportement futur du contrevenant, il n’y a aucun apprentissage de sa part, ndlr)
L’influence des pairs est également une dimension importante pour comprendre le passage à l’acte. Les membres de la famille, les amis, les connaissances peuvent jouer un rôle de contrôle ou de promotion du passage à l’acte.
Enfin, l’approche par l’analyse des politiques publiques permet de mettre en évidence qu’une politique de contrôle et sanction exige de porter une réelle attention à sa mise en œuvre. Le personnel doit être formé et convaincu de la légitimité de son intervention pour éviter les détournements sur le terrain et limiter les espaces où pourrait s’exprimer l’arbitraire.
Accorder la primauté à l’individu ne signifie pas pour autant qu’il agit seul dans un environnement. (traduction sur la route : un individu sait qu’il n’est pas tout seul sur la route, il est donc prudent, ndlr) Il peut coopérer au sein de sociétés organisées. Murray Rothbard a écrit un bel ouvrage sur cette question en soulignant toute l’importance que l’on doit accorder à la division du travail. […] Or l’individu est fait de singularités, s’inscrit dans une histoire. Il commet des erreurs, il apprend et corrige. Il est souverain, et c’est lui qui agit. Il ne se réduit pas à une fonction d’utilité que l’expert serait en mesure d’apprécier. Considérer l’individu comme souverain consiste également à le prémunir de toute intervention qui lui veut du bien. (comprendre : les radars sont là pour votre sécurité, ndlr)
Lire l’entretien complet (merci à Grégory R.)