Le sujet de la voiture en ville continue de faire débat comme le montre la polémique autour de la piétonisation des berges à Paris. Plusieurs communes ont décidé de lui refaire une place d’honneur lors des changements de majorité aux élections municipales de 2014. Bilan du retour de la voiture dans ces territoires deux ans après.
Réouvrir les centre-villes à la voiture pour dynamiser les commerces
A Saint-Etienne (Loire – 172 000 hab.) où l’abandon de la zone piétonne lors du changement de majorité en 2014 a fait grand bruit, Christiane Jodar, la maire-adjointe à l’urbanisme, se félicite de cette initiative. « Les Stéphanois ne se baladaient plus dans le centre-ville depuis la piétonisation. Il nous semblait essentiel de redynamiser cette zone. C’était d’ailleurs la demande principale des commerçants. »
Le maire, Gaël Perdriau (LR) a donc choisi de rendre le cœur de ville à nouveau accessible à la voiture par le biais de « transversales » qui débouchent directement sur des parkings.
Autre faveur pour les automobilistes : des horodateurs qui offrent trente minutes de stationnement et un parking souterrain qui propose une heure gratuite au bout de deux heures de stationnement. « Il faut respecter le mode de fonctionnement de chacun. La voiture fait partie de la culture française », indique-t-on à la municipalité.
Dans le même temps, il faut noter que les usagers des transports en commun ont pu bénéficier d’une baisse du prix des tickets de bus.
Un kilomètre carré de zone piétonne coûte ainsi un million d’euros et un kilomètre de piste cyclable unidirectionnelle de 1,5 mètre de large 200 000 euros contre 3 millions d’euros par kilomètre pour une voie à double sens, d’après Francis Papon, chercheur à l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux.
Le retour de la voiture, loin d’être idéal mais considéré comme une solution face au manque de moyens
Le son de cloche de Thionville a été entendu jusqu’à Béthune (25 000 hab., Pas-de-Calais). Alors que la réouverture complète à la circulation de la Grand-Place avait agité la ville, René Martin, maire-adjoint à l’urbanisme, se déclare satisfait de la vue complète sur le beffroi que peut désormais avoir un conducteur quand il circule sur la place. « Chacun peut désormais voir la fierté de notre commune », se félicite-t-il.
« Il fallait rendre du brillant et du dynamisme à la ville » pour faire revenir les touristes et répondre à « la détresse des commerçants » estime Olivier Gacquerre, le maire (UDI) de Béthune.
S’il est difficile de quantifier l’effet de la réouverture intégrale de la Grand-Place sur le commerce, l’élu est convaincu qu’elle a permis de « continuer l’activité des commerces. »
Pourtant, la municipalité reconnaît volontiers que la solution retenue pour faire revivre le centre-ville n’est pas idéale. « Nous savons qu’il faudrait créer des parkings en entrée de ville puis mettre à disposition des navettes. Mais dans le même temps, créer une dynamique autour de la piétonnisation et des vélos passe par la création d’emplois et d’un centre-ville vivant », reconnaît la municipalité.
Jean-Luc Rigaut, maire (UDI) d’Annecy et président de la communauté d’agglomération d’Annecy confirme que la crise des finances publiques est un obstacle de taille aux mobilités durables. « Il faut expliquer en premier lieu les difficultés du transport public rencontrées par les villes moyennes par les baisses de dotation de l’Etat en direction des collectivités. »
En filigrane, le discours des élus, soucieux de dynamiser le commerce local, s’appuie sur le célèbre adage « no parking no business ». Bien connu du marketing, ce principe signifie que tout client potentiel devrait pouvoir garer son véhicule à proximité immédiate d’un magasin pour consommer. Préoccupation centrale des villes moyennes, comme le montre le programme de redynamisation des centres villes porté par l’association d’élus France urbaine, les taux de vacance de leurs commerces atteint 13%. Dans ce contexte, le retour de la voiture est donc souvent considéré comme une façon de faire revenir les consommateurs et de revitaliser les commerces.
Néanmoins il est à noter que, d’après le rapport Commerce de centre-ville et de proximité et modes non motorisés de l’Ademe, le piéton (ou cycliste, ou usager des transports en commun) va dépenser plus lors de ses achats en ville, 40,4 euros par semaine contre 21,7 euros pour les automobilistes.