Atlantico : Selon ce sondage Opinion-way pour Atlantico, Anne Hidalgo souffre d’un mécontentement devenu majoritaire chez les Parisiens, avec 57% de mécontents. Comment expliquer une telle situation pour la Maire de Paris ?
Bruno Jeanbart : On a le sentiment, puisqu’on est à mi-mandat, que la situation pour Anne Hidalgo est plus difficile que pour son prédécesseur. Elle a plus de mal à s’imposer aux Parisiens car on constate que la population a plutôt un regard figé ou négatif sur son action depuis son accession à la Mairie de Paris. 47% des sondés ont le sentiment qu’à Paris la situation s’est détériorée alors que 57% sont mécontents de l’action de la Maire de Paris. Une perception qui tranche largement avec la domination de son courant politique à Paris depuis le début des années 2000.
Cette difficulté dans l’opinion face aux Parisiens est évidemment très clivée politiquement. On a des électeurs de droite mécontents mais aussi des électeurs de la gauche radicale qui partagent ce mécontentement. En revanche elle a encore le soutien d’une majorité de son électorat puisque 71% de ceux qui ont voté pour elle au premier tour des municipales et 69% des sympathisants EELV sont quand même satisfaits de son action.
Un clivage politique qui se traduit géographiquement comme toujours entre un Ouest parisien plus à droite et plus critique et un Est parisien et le Nord de la ville qui est plus relatif, probablement car ce sont des territoires où la gauche radicale est plus forte. Mais Anne Hidalgo conserve plutôt un soutien majoritaire dans les arrondissements du centre. Il y a un phénomène centre-périphérie dans la perception de l’action de la Maire. On a le sentiment qu’à mi-mandat elle est encore dans une phase où elle n’a pas totalement convaincu les Parisiens dans la perspective d’un renouvellement lors d’une prochaine élection.
Sur les sujets de la Grande Roue et du marché de Noël, elle est probablement partie à contre-courant à la fois de certaines attentes des Parisiens et de certaines actions qui ont pu faire la force de la majorité actuelle, à savoir développer des événements festifs. On a vu dans le passé le succès de Paris Plage, la nuit blanche… Finalement le marché de Noel et la grande roue c’est dans cet imaginaire là et cela est perçu comme des atouts dans une ville touristique qui se doit d’être une ville qui bouge et qui vit.
Cette décision peut brouiller une des grandes forces qui a toujours été celle de la majorité de gauche à Paris depuis 2000 et qui avait fait son succès et cela peut lui être préjudiciable
Serge Federbusch : Le premier chiffre qui est évident c’est qu’il a 57% de mécontents pour 42% de satisfaits ce qui est très mauvais pour un mi-mandat pour un élu municipal vu que les populations sont très attachées aux élus locaux. Elle devrait se trouver dans une situation porteuse en théorie et malgré tout il y a un très vif sentiment de mécontentement qui déborde largement sur la partie des très mécontents. Il y a 29% de « très mécontents » contre 5% de « très satisfaits ».
Elle est très clivante à un moment où ça ne devrait pas l’être. En rentrant dans les détails on se rend compte que l’action municipale est mal perçue à Paris. Un mécontentement qui s’illustre particulièrement chez les gens les plus actifs. On devine là les effets de sa politique anti-voitures. Chez la jeunesse qui globalement la soutient, on note qu’il y a aussi une insatisfaction quant à l’état de la capitale. Le mécontentement n’est pas encore attribué à la maire mais si ce dernier bastion bascule et considère à un moment que la situation s’est dégradée à cause d’Anne Hidalgo, la maire de Paris ne sera pas à l’abris d’une nouvelle détérioration de son image. Anne Hidalgo est dans une situation de fragilité, c’est ce que révèle ce sondage.
Quelles évolutions sont à soulever quant à son image et la politique qu’elle mène auprès des Parisiens ?
Bruno Jeanbart : La première chose qui frappe lorsqu’on regarde son image détaillée c’est que l’on sent bien que bien qu’elle soit considérée comme quelqu’un qui a un projet pour la ville ou qui essaye de défendre les intérêts de la ville, il y a une faiblesse qui apparaît sur son caractère où elle est considérée comme « sectaire » ou « autoritaire ». Cela dénote beaucoup de l’image de Delanoë. C’est clairement un élément de faiblesse de sa perception qui est confirmé par ce sentiment que pour 70% des Parisiens les décisions sont prises de manière verticale plutôt qu’en concertation avec les parties prenantes. La modification de son image sera un enjeu important de la seconde partie de son mandat.
Il y a aussi des fractures qui se sont manifestées. Il se produit à Paris la même facture que celle que l’on a constaté sous le quinquennat Hollande avec les électeurs de la gauche radicale qui aujourd’hui sont mécontents et très critiques vis-à-vis d’Anne Hidalgo. Il y a une difficulté de rassemblement de l’ensemble des courants de la gauche en termes d’opinion qui se fait jour avec elle. Ce qui est assez contre intuitif au regard du positionnement qu’elle avait au sein du PS. Elle aurait pu être une personnalité plus rassembleuse, mais cela n’a pas été le cas.
On retrouve aussi, la concernant, un phénomène propre au pays. Il y a un vrai clivage générationnel notamment sur la perception de son action. Elle fait un bien meilleur score chez les plus jeunes, chez les moins de 35 ans alors qu’à l’inverse les personnes âgées lui sont plus hostiles. Cette fracture générationnelle est forte et handicapante dans une perspective électorale vis-à-vis du poids électoral des personnes plus âgées dans le vote.
Serge Federbusch : On voit qu’il a une radicalisation d’une opposition Hidalgo à l’Ouest chez les gens de droite ou les gens plus âgés. La gauche et ses soutiens commencent à lui faire défaut notamment car l’on voit le mécontentement des électeurs de la gauche de la gauche. Cela rendra plus difficile les alliances et il y a quelque chose que le sondage ne montre pas, c’est comment l’électorat qui a voté Macron et qui est englobé ici risque de la lâcher.