On mesure mieux, à l’aune de cet unanimisme écolo-friendly, la controverse que va susciter l’essai iconoclaste du journaliste (au Monde diplomatique notamment) Guillaume Pitron, La Guerre des métaux rares – La Face cachée de la transition énergétique et numérique (éd. Les Liens qui Libèrent). Dans cette enquête de terrain nourrie par six ans de tribulations dans une douzaine de pays, l’auteur jette une lumière crue sur un angle mort de la lutte contre le réchauffement climatique : paradoxalement, la manière dont sont produites les “green-tech” dont dépendent les énergies renouvelables (ainsi que nos smartphones), et dont nous sommes de plus en plus friands, est très peu respectueuse de l’écosystème.
Des panneaux solaires aux véhicules électriques, en passant par certaines éoliennes, des vecteurs essentiels de la révolution énergétique en cours sont fabriqués à partir d’une trentaine de métaux rares (graphite, cobalt, indium, prométhium, tungstène, terres rares…) dont l’extraction et le raffinage sont dévastateurs pour l’environnement. Alors que l’extraction pétrolière ou les mines à charbon de jadis nous apparaissent aujourd’hui comme les plus sales des procédés, Guillaume Pitron soulève un contrepoint inattendu : “Notre quête d’un modèle de croissance plus écologique a plutôt conduit à l’exploitation intensifiée de l’écorce terrestre pour en extraire le principe actif, à savoir les métaux rares, avec des impacts environnementaux encore plus importants que ceux générés par l’extraction pétrolière.” Les technologies de l’information et de la communication (smartphones, tablettes, ordinateurs), elles aussi, produisent“50% de plus de gaz à effet de serre que le transport aérien”.
Activités sauvages, mineurs illégaux, minerais purifiés à l’aide de produits chimiques déversés dans les sols et les fleuves… “D’un bout à l’autre de la chaîne de production de métaux rares, quasiment rien en Chine n’a été fait selon les standards écologiques et sanitaires les plus élémentaires”, détaille l’auteur. A Baotou, capitale mondiale des terres rares où il s’est rendu, les lacs de rejets toxiques et les “villages du cancer dont les habitants meurent à petit feu”constituent la réalité inavouable de la transition énergétique.
La seule industrialisation d’une voiture électrique consomme trois à quatre fois plus d’énergie que celle d’un véhicule conventionnel”, affirme-t-il en s’appuyant sur une étude de l’université de Californie, à Los Angeles.
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