Les émissions des véhicules accusés d’avoir des moteurs diesel truqués pour paraître plus écologiques pourraient être responsables de 5.000 morts par an en Europe du fait de la pollution de l’air, indique une étude.
Les émissions des véhicules accusés d’avoir des moteurs diesel truqués pour paraître plus écologiques pourraient être responsables de 5.000 morts par an en Europe du fait de la pollution de l’air, indique une étude lundi. Ces chiffres sont conformes à de précédentes évaluations du nombre de décès dus au scandale du “dieselgate” qui a éclaté quand Volkswagen a admis en 2015 avoir triché lors de tests d’émission de ses véhicules. De nombreux autres constructeurs ont depuis été soupçonnés de faire de même.
L’étude publiée dans la revue Environmental Research Letters se concentre sur la situation en Europe (les 28 pays de l’Union européenne + la Norvège et la Suisse). Les chercheurs, basés en Norvège, en Autriche, en Suède et aux Pays-Bas, ont calculé qu’environ 10.000 morts peuvent être imputées tous les ans en Europe à la pollution aux particules fines émises par les véhicules légers fonctionnant au diesel. Près de la moitié d’entre elles (environ 4.750) auraient été évitées si les émissions d’oxydes d’azote par ces véhicules sur la route avaient été les mêmes que celles observées lors des tests en laboratoire.
L’avis de Réalités Routières
Cette étude simule la pollution de l’air en Europe dans différents cas : la réalité versus “s’il n’y avait que des véhicules essence” versus “s’il y avait d’autres limites d’émission NOx”. Après avoir simulé une autre pollution, les auteurs estiment les répercussions sur la santé en termes de morts prématurés.
Notons que l’étude porte sur 2013 uniquement, et donc qu’une extrapolation aux autres années est spéculative. Ainsi, il est scientifiquement peu rigoureux de dire que le diesel provoque 5 000 décès évitables par an. Aussi, l’étude parle de 10 000 morts prématurés, la moitié étant inévitable (il s’agit de personnes valétudinaires, c’est-à-dire dans un état de santé très chancelant). Parmi ceux “évitables”, un peu moins de 5 000 selon l’étude, 80% seraient évitables si les véhicules diesel ne polluent pas plus qu’un véhicule essence.
Notons également d’autres limites de cette étude, reconnues par les auteurs mais oubliés par certains journalistes :
- le modèle de calcul (dit EMEP model, accessible ici) est incertain, il s’agit au mieux d’une approximation. Il est néanmoins reconnu par de nombreux auteurs comme fiable pour de telles études.
- Ce modèle permet de simuler la pollution de l’air en Europe et ce, en faisant varier différents paramètres. Il est par exemple possible de simuler, que serait la pollution de l’air s’il n’y avait que des véhicules essence et aucun diesel
- On apprend au paragraphe 4.2 que pour certains pays, une réduction des émissions de NOx par les véhicules diesel pourraient conduire, selon la simulation, à 70 à 90 décès prématurés supplémentaires. (Thus, for these countries a reduction in NOx emissions from diesel cars, as simulated, would result in 70 to 90 more cases of ozone related premature deaths.)
- La simulation ne permet d’évaluer précisément les niveaux de pollution, par exemple à l’échelle d’un carrefour.
- Le modèle de simulation concernant la mesure des décès prématurés est inspiré de celui utilisé par l’OMS. On remarque au passage qu’un “simple” modèle linéaire suffit pour faire l’estimation (pour simplifier, nombre de morts = [risque du à la pollution] x [quantité de pollution] x [nombre de morts chez les adultes])
- Autres limites : il a été admis que toutes les personnes sont sensiblement égales vis à vis de la pollution, qu’il n’y a pas d’interaction entre l’ozone, le PM25 et d’autres polluants. Cette étude ne prend pas en compte d’autres effets sur la santé, et ainsi, peut-on supposer, sous-estimerait le nombre de décès. (Furthermore we assume that all populations have the same health response to air pollution and that there exists no interaction between ozone, PM2.5 and other air pollutants. The paper does not account for other health effects beyond adult mortality.) PM = Particulate Matter
Une autre limite dans l’interprétation qui en a été faite, est que les auteurs parlent uniquement des émissions nocives des diesel. Il n’est en aucun cas fait mention d’un bilan général du diesel, notamment du fait que les véhicules diesels soient plus endurants en termes de kilométrage et ainsi, évite un renouvellement prématuré du véhicule, sa fabrication étant également polluante. Ainsi, il est faux de dire que les véhicules diesels provoquent la mort de 5000 personnes par an, il faut plutôt dire : “Une simulation évalue à 5 000 le nombre de décès prématurés en Europe induits par la pollution des véhicules diesels”.
Le but de cet article n’est pas de défendre les véhicules diesels, mais simplement de remettre l’étude dans son contexte et de ne pas la prendre telle que certains journaux la présente. Il s’agit d’une étude, elle ne vaut pas vérité universelle, mais apporte simplement un indice supplémentaire dans le faisceau d’indices sur la nocivité du diesel. Enfin, notons que cela a été voulu par l’état français et que ce genre de politique peut coûter très cher, en termes humain mais également financièrement parlant. En effet, comme tout instrument de mesure, les constructeurs sont incités à se concentrer sur la mesure utilisée : tout est fait pour réduire le CO2, mais il peut en résulter l’utilisation massive de plastique par exemple, ou encore de lithium, de moteurs très complexes à réparer etc, ce qui n’est pas vraiment très écologique. Autre exemple, dans le secteur de la recherche scientifique où l’indice principal de performance est le nombre de publications (pondéré par la réputation de la revue) : ainsi, les chercheurs sont incités à publier “à tout prix” (voire également le concept publish or perish).
Lire l’étude : Environmental Research Letters Volume 12, Number 9 2017