L’avocate Caroline Tichit a déposé, ce mardi matin, devant le tribunal de Police de Paris, une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) portant sur l’article L121-6 du code de la Route, à l’origine des PV pour « non désignation de conducteur » (NDC), tant décriés ces derniers mois. Selon elle, cet article est tout simplement contraire à la Constitution, cette QPC vise donc à l’abroger. La juridiction se laisse jusqu’au 31 janvier 2018 pour décider de sa transmission à la Cour de cassation, puis le cas échéant, ce sera au Conseil constitutionnel de trancher. Si les Sages devaient suivre Me Tichit, ce sont tous les PV pour NDC – plus de 500 000 ont été dressés, selon nos informations, en moins d’un an – qui s’en trouveraient invalidés !
Le Conseil constitutionnel abrogera-t-il la disposition de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, qui a donné naissance au nouvel article L121-6 du code de la Route, entré en vigueur il y a presqu’un an, et dont l’objectif est d’instaurer la dénonciation systématique du conducteur quand un véhicule de société se fait flasher ? C’est en tout cas ce à quoi pourrait aboutir la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) que Caroline Tichit a déposée ce mardi matin au tribunal de Police de Paris.
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Cette QPC devrait donc bien atterrir, à la fin janvier, à la Cour de cassation. Dès lors, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français disposera de trois mois pour juger, à son tour, de la recevabilité de cette QPC, et, en fonction, de la saisine du Conseil constitutionnel. Puis, ce sera à ce dernier de rendre, dans les trois mois également, son verdict, et abroger, le cas échéant, cet article L121-6 du code de la Route. Au maximum, sa décision devrait donc intervenir dans le courant du mois de juillet.
Toutes les affaires NDC en justice suspendues d’ici-là ?
Et en attendant, que se passe-t-il ? La procédure, dans le cadre de laquelle cette QPC a été déposée, est suspendue jusqu’à ce verdict. Est-ce que cela vaut pour toutes les affaires relatives aux nouveaux PV pour « non désignation de conducteur » (NDC) qui ont été contestés et qui arrivent – enfin ! – devant les tribunaux ? Cela reste à confirmer, mais si l’information de cette QPC se propage, il est fort à parier que de nombreuses juridictions préféreront attendre la décision du Conseil constitutionnel pour se prononcer.
Il se trouve tout de même que plusieurs autres affaires pour « non désignation de conducteur » étaient au programme des débats de l’audience parisienne de ce matin. Sauf qu’aucune ne tenait la route d’un point de vue juridique ! Nullité des citations pour les avocats Sébastien Dufour et Adrien Weil, poursuites non fondées et donc relaxe obtenue pour un autre dossier défendu par Me Tichit… Dans le cadre de cette affaire, cette dernière s’est même payé le luxe de faire condamner l’État à régler 450 euros à son client, en guise de réparation pour le préjudice subi. Du quasi jamais vu dans le contentieux routier !
Il faut dire que le client en question s’est retrouvé poursuivi pour « non désignation de conducteur », alors même qu’il s’était justement conformé à cette obligation. Simplement, il s’est décidé à le faire au stade de l’amende forfaitaire majorée – ce qui est son droit -, et non au stade de l’amende initiale. Mais il n’en a pas fallu davantage pour que le centre de Rennes se considère autorisé à dresser un PV pour NDC… sans même attendre que tous les délais concernant cette infraction initiale – en l’occurrence, un excès de vitesse – ne soient purgés. C’est dire combien la mise en œuvre de ces NDC à Rennes est abracadabrantesque sur le plan juridique !
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Si sa QPC aboutit au résultat escompté et que l’article L121-6 du code de la Route est abrogé par le Conseil constitutionnel, cela entraînera de fait « l’invalidation de tous les avis de contravention et PV pour NDC qui en découlent », détaille-t-elle. « C’est donc l’ensemble des justiciables visés par ces nouvelles procédures – autoentrepreneurs, professions libérales, patrons de petites et grandes entreprises, responsables légaux de services publics, salariés, mais aussi fonctionnaires, conducteurs de véhicules de société – qui en seraient impactés ».
Plus de 500 000 PV pour NDC soit plus de 225 millions d’euros déjà encaissés !
On peut d’ores et déjà s’attendre à une belle pagaille juridique et administrative, si le Conseil constitutionnel lui donne raison. Car ces NDC représentent un contentieux potentiellement énorme. Selon nos informations, depuis leur apparition au mois d’avril, plus d’un demi-million de prunes pour NDC ont été dressées par le Centre automatisé de constatation des infractions routières de Rennes (Cacir). Or, rares sont celles qui ont été contestées, la plupart ont été réglées sans sourciller. Pourtant les amendes réclamées sont salées : 450 euros au taux minoré (soit avec un paiement dans les 30 jours au maximum), 675 euros au taux forfaitaire. C’est donc 225 millions d’euros – au bas mot ! – que l’État a encaissé en huit mois, potentiellement en toute illégalité !
Qu’adviendra-t-il de toutes ces amendes déjà perçues, si l’article L121-6 du code la Route devait être jugé contraire à la Constitution ? L’État ne serait-il pas, d’un point de vue moral au moins, contraint de les rembourser ? Et qu’est-ce que cela signifierait au juste… que les chefs d’entreprise ne sont plus obligés de dénoncer un conducteur quand les véhicules de société se font flasher ? L’enjeu paraît tellement énorme que l’on a peine à croire que la Cour de cassation, et surtout le Conseil constitutionnel puissent travailler sereinement. Subiront-ils des pressions ? L’avenir devrait nous le dire…
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