Victoire de David contre Goliath? Alors que JCDecaux réalise 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie 13.000 salariés, comment qualifier autrement son éviction du marché des Vélib’ au profit d’un consortium mené par Smoove, une start-up installée à Montpellier, forte de 38 personnes et réalisant 9 millions d’euros de chiffre d’affaires? Leader mondial du vélo en partage, le groupe familial, présent dans treize pays, a rempli plus que correctement le contrat de dix ans qu’il avait conclu en 2007, donnant son essor à un nouveau mode de transport urbain. « En rapportant toujours de l’argent à Paris, au point que Bertrand Delanoë, lorsqu’il était maire, a pu en faire profiter les communes voisines aux frais de sa ville« , assure Albert Asseraf, directeur de la stratégie de JCDecaux. (sic ! Relire : Paris : un Vélib coûte entre 1 000 et 4 000 € par an) Difficile à vérifier puisque la firme présentait jusqu’à présent une offre globalisant ses Vélib’ et ses panneaux publicitaires.
Pour ce nouveau contrat, dit « Vélib’ 2 », qui porte sur quinze années, avec un nouveau cahier des charges, des vélos plus légers et connectés, dont 30% doivent être à assistance électrique, JCDecaux était soutenu par la SNCF et la RATP, afin d’optimiser les connexions, dans une vision globale des transports en région parisienne. Et l’entreprise a, comme l’exigeait Paris, séparé la publicité et les vélos. Pourtant, le 5 mai, le syndicat francilien Autolib’Vélib’Métropole, réunissant Paris et une trentaine de communes de banlieue, a préféré confier ce contrat de 700 millions d’euros au groupement Smoovengo. Ses recours en référé devant le tribunal administratif ayant été rejetés, le groupe JCDecaux se voyait ainsi éliminé de son principal marché et de sa meilleure vitrine.
Un patron mis en avant
« Nous étions en pole position sur tous les critères, notamment de fiabilité et de qualité, mais Smoovengo nous a battus sur le prix, plus élevé de 4,7%, affirme Albert Asseraf.
Il reste que les dirigeants de JCDecaux n’ont pas compris pourquoi le tribunal administratif n’avait pas fait grief à Smoovengo de refuser de s’engager à reprendre leurs 350 salariés, en conformité avec le Code du travail, et n’avait pas jugé décisif le fait que Nicolas Mercat, qui a participé à l’élaboration de l’appel d’offres par le syndicat francilien, soit le frère de Laurent Mercat, patron de Smoove et porte-parole du groupement vainqueur.
Le savoir-faire de Smoove, notamment en termes de gestion numérique des flux, lui a permis de s’installer dans 26 villes, en France (Montpellier, Strasbourg, Clermont- Ferrand) et à l’étranger (Moscou, Helsinki, Marrakech, Chicago). La « start-up » gère actuellement plus de 715 stations vélos, 8.800 vélos en libre-service et 13.000 vélos en location de longue durée.
Mais en termes économiques, la réalité est bien différente : Smoove est un petit joueur. Car dans l’alliance Smoovengo, il y a aussi le groupe de services automobiles Mobivia, l’espagnol Moventia et Indigo (ex-Vinci Park) qui emploient au total plus de 40 000 personnes. Quels sont leurs liens financiers? « Je ne sais pas qui est qui et qui fait quoi, reconnaît Véronique Haché, la bien peu curieuse directrice du syndicat Autolib’Vélib’Métropole, qui a signé et gérera le contrat. Ce qui nous importe, c’est d’avoir eu des garanties financières. »
Concrètement, le groupement va bientôt se transformer en société anonyme, dont le capital sera détenu par ces trois entreprises, avec environ un tiers chacune. Pourquoi trois et pas quatre? Parce que, selon nos informations, la start-up Smoove n’y participe pas directement. Plus visible que les autres, elle n’est indépendante qu’en apparence. Car Mobivia, qui appartient à la galaxie Mulliez (Norauto, Midas, Drivy) et a vu passer son chiffre d’affaires de 1,8 à 2,8 milliards d’euros avec le rachat de l’allemand ATU, en aurait discrètement pris le contrôle.
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